On peut résumer l’histoire de l’automobile en Suisse comme ça :
entre 1960 et aujourd’hui, on est passé d’un pays où la voiture était un luxe à un pays hyper motorisé, et le crédit auto / leasing a clairement servi de carburant à cette croissance.
1. D’où on part : la Suisse des années 1960
Au début des années 1960 :
- Il y a un peu plus de 500 000 voitures de tourisme en circulation en Suisse.
- Ça représente moins de 100 voitures pour 1 000 habitants (environ 96 en 1960).
- L’autoroute est en plein chantier : une bonne partie du réseau est construite dans les années 60–70.
La voiture est alors :
- un symbole de réussite,
- un outil pour profiter de la montée du niveau de vie (week-ends en montagne, lac, vacances en Italie/France, etc.),
- un marché très fragmenté : beaucoup de marques européennes différentes, importations variées.
Le financement existe déjà (prêts bancaires, ventes à tempérament), mais :
- la culture dominante, c’est « on économise, puis on achète » ;
- le crédit reste quelque chose de sérieux, encadré, pas encore massifié comme aujourd’hui.
2. 1970–1990 : la voiture se démocratise
Entre 1960 et début des années 1990 :
- Le parc de voitures passe d’environ 0,5 million à 3,1 millions de voitures.
- La Suisse entre dans le club des pays très motorisés de l’OCDE.
Ce qui change :
- Hausse du pouvoir d’achat
Croissance économique, salaires en hausse, généralisation de la classe moyenne → la voiture devient un bien quasi standard pour les ménages. - Urbanisation + périurbanisation
On habite plus loin des centres, on travaille dans des zones industrielles ou de bureaux → la voiture devient nécessité fonctionnelle. - Structuration du commerce auto
- Concessions officielles par marque
- Garages multi-marques
- Réseaux professionnels autour de la voiture (assureurs, garages, pneus, etc.)
- Montée progressive du financement
- Banques et sociétés de financement commencent à proposer des produits plus standardisés.
- Mais le vrai tournant, c’est la période suivante : explosion du leasing et du crédit auto « grand public ».
3. 1990–2010 : âge d’or de la voiture + explosion du leasing
Dans les années 1990–2000, tu as plusieurs effets en même temps :
3.1 Saturation + montée en gamme
- Presque chaque ménage possède au moins une voiture, beaucoup en ont deux.
- On ne se contente plus d’“avoir une voiture”, on veut :
- plus de sécurité,
- plus de confort,
- plus de puissance,
- des marques premium allemandes, 4×4, etc.
Ça augmente fortement le ticket moyen par véhicule.
3.2 Le leasing devient « la norme » pour le neuf
C’est là que le crédit/leasing auto change vraiment la donne :
- Les constructeurs et importateurs créent leurs captive finance (BMW Financial Services, etc.) et poussent à fond les formules mensuelles.
- Le leasing devient l’outil standard pour :
- lisser un prix élevé sur 3–4 ans,
- favoriser les renouvellements fréquents,
- fidéliser le client dans une marque / un réseau.
Résultat : la voiture neuve n’est plus perçue comme un investissement lourd unique, mais comme un abonnement mensuel gérable.
4. 2010–2025 : marché mature, électrification, finance comme pilier
Aujourd’hui, la Suisse est un pays :
- avec 4,8 millions de voitures pour 8–9 millions d’habitants (2024), soit plus de 500 voitures pour 1 000 habitants.
- avec un parc qui a encore fortement progressé depuis les années 2000.
4.1 Multiplication des segments
- SUV, break premium, city cars, véhicules électriques, hybrides…
- Marché de l’occasion structuré, très soutenu par les retours de leasing.
4.2 Pression environnementale + électrification
- Normes CO₂ toujours plus strictes.
- Incitations (fiscales, image, politique RSE) à passer à l’hybride ou à l’électrique.
- Ce changement technologique renchérit souvent le prix d’achat → renforce encore le rôle du financement.
4.3 Poids massif du crédit / leasing
Les chiffres récents donnent l’ordre de grandeur :
- Le marché du leasing auto en Suisse pèse autour de CHF 16 milliards de chiffre d’affaires, en forte hausse depuis 2012 (11 → 16 milliards, + ~50 %) ; le leasing privé compte pour la majeure partie (près de 15 milliards).
- Si tu prends l’ensemble crédit + leasing auto, on parle d’un marché autour de CHF 9–14 milliards selon la définition et l’année.
Autrement dit : la voiture en Suisse est devenue un produit financier autant qu’un produit mécanique.
5. Comment le crédit auto a concrètement boosté le secteur
On peut lister les effets très clairement.
5.1 Abaisser la barrière d’entrée
Sans financement :
- Tu dois sortir 25 000–50 000 CHF (voire plus) d’un coup → réservé à une minorité.
Avec crédit / leasing :
- Tu raisonnes en mensualité : 400, 600, 800 CHF / mois.
- Ça ouvre la porte :
- aux jeunes actifs,
- aux indépendants,
- aux ménages qui n’ont pas d’épargne mais des revenus réguliers.
Impact direct :
→ plus de ventes, plus vite, plus large.
5.2 Accélérer le renouvellement du parc
Le leasing, en particulier :
- pousse à renouveler tous les 3–4 ans,
- avec souvent un véhicule plus récent, mieux équipé, parfois plus cher.
Pour les importateurs / garages :
- tu sécurises un cycle de vente récurrent,
- tu maîtrises mieux le flux d’occasion récente (retours de leasing), qui alimente le marché secondaire.
Impact direct :
→ maintien d’un volume élevé d’immatriculations neuves,
→ flux constant de véhicules d’occasion “jeunes”.
5.3 Permettre de monter en gamme
Le crédit/leasing permet :
- de passer d’un modèle basique à une finition supérieure,
- de rajouter options, pack sécurité, boîte auto, 4×4, etc.
Psychologiquement, la différence entre 630 CHF et 720 CHF par mois est plus “digeste” que +10 000 CHF à l’achat.
Impact direct :
→ panier moyen plus élevé,
→ plus de chiffre d’affaires pour constructeurs, importateurs, garages.
5.4 Soutenir la demande en période de taux bas
À chaque cycle de taux d’intérêt bas / proches de zéro (comme 2011–2015, et de nouveau depuis 2025), le crédit devient moins cher. Pour l’immobilier, on voit très bien l’effet sur les prix.
On n’a pas des chiffres aussi médiatisés pour l’auto, mais :
- quand l’argent ne coûte presque rien,
- les acteurs de la finance et de l’automobile ont tout intérêt à pousser des offres agressives (“0,9 %”, “leasing subventionné”, etc.).
Impact probable (logique économique) :
→ soutien à la demande de véhicules neufs,
→ maintien des volumes malgré la saturation du parc.
5.5 Créer un écosystème de services
Le crédit auto n’est pas juste un prêt ; c’est souvent un pack :
- financement + assurance casco complète,
- entretien inclus,
- pneus + stockage,
- services connectés, etc.
Ça permet à toute une chaîne d’acteurs de vivre autour de la voiture :
- banques, sociétés de leasing, courtiers en crédit,
- assureurs, garages, réseaux de pneus, etc.
Impact global :
→ l’automobile devient un secteur économique complet, nourri par les flux financiers récurrents.
6. Synthèse rapide
Si tu dois résumer l’évolution du monde auto en Suisse depuis 1960 :
- 1960–1980 :
- Construction du réseau routier moderne,
- explosion du parc (0,5 M → plusieurs millions de voitures),
- voiture symbole de prospérité.
- 1980–2000 :
- la voiture devient la norme,
- apparition massive de solutions de financement structurées,
- début du leasing comme outil central pour le neuf.
- 2000–2025 :
- marché saturé mais très dynamique,
- montée de l’électrique, du SUV, du premium,
- croissance forte du crédit/leasing (marché à plusieurs dizaines de milliards cumulés sur les années), qui :
- élargit la base de clients,
- accélère le renouvellement,
- augmente le panier moyen.
👉 Sans crédit auto ni leasing, la Suisse aurait beaucoup moins de voitures, moins récentes, moins chères.
Le financement est devenu le moteur économique discret de tout l’écosystème automobile.